Esteban Abadie, le résilient

Publié le 27 février 2024 à 16:18

Esteban Abadie, le résilient

Le 3ème ligne aile du Rugby Club Toulonnais a connu ce dimanche 25 février, sa première sélection avec le XV de France face à l’Italie (13-13). Auteur d’un début de saison remarqué du côté du Var, le natif du Mans ayant grandi à Paris n’en est pas là par hasard.

Une histoire de famille, mais pas seulement

Avec une mère basketteuse (équipe de France jeune) et un père rugbyman (champion de France avec le Racing en 1990 et avec le Stade Français en 1998), Esteban Abadie, baigne dans le monde du sport depuis petit. D’abord passé par le football puis par la natation qu’il pratique en horaires aménagés sport études, il se met au rugby à l’âge de 12 ans. C’est au Racing 92, le club qui a vu briller son père Geoffrey Abadie tragiquement décédé en 2015, que son histoire d’amour avec le ballon ovale commence. Sous les ordres de Laurent Boguet et Clément Gomet, il perpétue la tradition familiale sur trois générations (son grand père Alain, jouait à Graulhet). À Colombes, il trouve avec son frère jumeau Adrien, une famille, un « groupe de frères » et certainement une passion qui le rapproche de son père. « La Bogue’ c’est cet entraîneur de rugby atypique, une figure presque paternelle qui donnait tout pour les jeunes qu’il entrainait. Avec Clément c’est eux qui m’ont fait aimer ce sport et qui m’ont inculqué les valeurs d’abnégation et de partage propres au rugby ». C’est avec ces mots que le néo-international parle de ses premiers entraineurs avec qui il est resté en contact et qu’il n’a pas hésité à appeler pour partager la joie de cette première sélection avec les Bleus. « Ma plus belle réussite c’est qu’il m’ait appelé, avec son frère et Paul Capon son pote du Racing pour partager sa joie, ça veut dire que je les ai marqué » nous dira Laurent Boguet qui entraine toujours les jeunes du Racing. Cette joie et cette fierté, Esteban la ressent bien évidemment et l’accueille comme une forme de soulagement et d’accomplissement après avoir bataillé pour en arriver là. 

Un chemin de croix 

« J’ai galéré, je ne suis pas sûr d’avoir le physique adéquat pour jouer au rugby ». Du haut de son mètre 88 et de ses 100kg, le toulonnais ne fait pas partie des mastodontes à son poste (ça vous place les standards au rugby). Il faut dire que le troisième ligne de 26 ans ne rentre pas dans les normes. Si les mentalités évoluent légèrement dans les écoles de rugby, la recherche du physique parfait était encore il y a peu le modèle de construction des recruteurs et divers entraineurs. 

 

« Quand j’arrivais à l’entrainement on me demandait systématiquement si j’avais pris des kilos, je me pesais tous les jours, ça me rendait fou je n’arrivais pas à prendre du poids ». 

 

C’est le refrain qui revenait souvent chez les jeunes où malgré des qualités évidentes il a du mal à s’imposer comme un véritable leader. Très peu appelé en sélections, il ne dispute qu’un seul match avec l’équipe de France U18 où il ne joue quasiment pas et squatte la 24ème place en tribunes alors qu’il est intégré avec le groupe professionnel du Racing. De quoi se démoraliser ? Certainement pas ! Car il le sait, il possède d’autres qualités que les autres n’ont pas et croit en ses rêves. Une phrase que lui a dit Florent Guichard, manager de l’équipe espoirs francilienne, lui revient souvent en mémoire : « il faut que tu arrives à te créer quelque chose que les autres n’ont pas, une sorte de super pouvoir ». Ce super pouvoir, Esteban va se le créer peu à peu à force de détermination et de dévouement. Non désiré chez les professionnels par le Racing 92, il fait ses valises direction la Corrèze où il s’engage avec Brive pour 3 ans. 

Une éclosion tardive

Pour ses débuts à Brive, la musique n’est pas différente des dernières années à Paris. Il squatte le banc et regarde souvent les matches des tribunes dans la peau du 24ème homme. Toujours la tête sur les épaules, il ne lâche pas ses études et obtient un master de management à l’EM Grenoble pour préparer « l’après » comme il dit. Avec très peu de temps de jeu et loin de sa famille, l’adaptation à son nouveau club est difficile et il gratte des minutes dans des matches lâchés à l’extérieur. Titulaire face à Lyon le 15 mai 2021, il se blesse sévèrement aux cervicales en plaquant Josua Tuisova. Les examens révèlent une vertèbre fracturée, il devra se faire opérer et subir une arthrodèse, un électrochoc. 

 

De retour sur les terrains face à Castres le 30 octobre 2021, le 3ème ligne apparait transfiguré. Il enchaîne alors 50 matches de TOP 14 jusqu’au 12 novembre 2023 ! La statistique est complètement folle et démontre tout le travail physique effectué par le joueur pour se maintenir au plus haut niveau ! Il nous le dit lui-même, « Ma blessure m’a fait énormément réfléchir et m’a permis de me renforcer physiquement, j’ai eu l’opportunité de me montrer après ». Par son profil complet, son intelligence de jeu, sa faculté à faire jouer après lui et surtout son aisance en touche, il surnage complètement dans le collectif de Brive. Meilleur contreur en touche du championnat l’an passé avec 39 ballons volés (loin devant le 2nd avec 14 ballons volés), il impressionne aussi par son endurance (1979 minutes de temps jeu sur la saison 2022/2023) et son activité défensive. Il ne peut cependant pas empêcher son club de descendre en Pro D2 et s’engage pour 2 ans avec le Rugby Club Toulonnais. 

L’avènement 

Fraichement arrivé dans le Var, Esteban Abadie, fait déjà l’unanimité chez les Toulonnais et son entraineur, Pierre Mignoni, ne tarit pas d’éloges à son encontre. En l’absence de Charles Ollivon et Teddy Bobigny, il a même hérité à plusieurs reprises du capitanat, preuve s’il en est de son leadership et de sa capacité d’adaptation exceptionnelle. Un début de saison XXL et une régularité qui lui ouvre pour la première fois les portes de l’équipe de France à 26 ans. Une certaine forme de consécration pour lui. « Je suis fier d’être arriver là, c’était mon rêve, j’ai hâte de porter ce maillot et de donner le meilleur de moi-même. C’est la preuve que si tu crois en tes rêves et que tu travailles pour, on a beau te dire que tu n’es pas fais pour ça, tu y arrives souvent ». L’occasion aussi pour lui, d’avoir une pensée pour son père : « je sais qu’il serait fier de moi, j’ai toujours son nom écrit sur mon strap au poignet, à chaque match ». 

Avec un pied chez les Bleus, le néophyte cherchera désormais à s’imposer dans la durée, même s’il garde les pieds sur terre et sait que la concurrence sera rude. « J’essaye de ne pas trop me projeter et de profiter du moment présent. Evidemment la Coupe du Monde serait un rêve mais c’est encore loin ». Il pourra cependant compter sur son intelligence et sa régularité, lui qui à 26 ans semble encore progressé. Un constat partagé par son ancien entraineur Laurent Boguet. « Je le trouve fort. Il a un rendement de dingue, c’est un joueur ultra complet. Sa plus grande force c’est l’intelligence. J’ai l’impression qu’il continue de progresser en plus. Tout le monde lui promettait l’enfer au vu de son gabarit et j’ai l’impression que ça devient une force pour lui ». 

 

Dimanche, Esteban Abadie, a connu sa première sélection avec le XV de France dans une rencontre qui lui ressemble bien. Une rencontre difficile mais dont il ressort avec des souvenirs plein la tête. Une juste récompense au vu de son parcours et de sa persévérance. 

 

Par Adrien Abadie


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Commentaires

Abadie jocy
il y a un an

Este ne te biles pas pour tes mensurations,j'ai vu Papy Alain avec ses 172cm et ses 80kg,allonger Plantefol d'Agen,et ses deux mètres d'un magistral coup de boule...il n'y avait pas de vidéo à l'époque. Avec son frère André, 1.80 et 110 kg,ils étaient crains de tout le championnat, parles en autour de toi à Toulon des Gruarin et Herrero.Continue comme ça, Jocy

Marco Suchodolski
il y a un an

Bg l’artcicle 👏

Coulée
il y a un an

Bravo pour l’article mon adri :-)

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