Portrait - Mahiedine Mekhissi, à bout de souffle
A 37 ans, le plus beau palmarès du demi-fond français tire sa révérence. Après 15 années à batailler et à s’arracher sur les pistes d’athlétisme, le français raccroche les pointes et tire le rideau de fin sur une carrière teintée d’ombre et de lumière. Seul athlète triplement médaillé olympique du 3000m steeple (2008, 2012, 2016), Mahiedine qui signifie « une personne bienveillante et calme » est en réalité tout le contraire de ce que laisse entendre son prénom. Une attitude, qui malgré un talent indéniable, l’a souvent desservie au près du grand public.
Une éclosion contestée
Rémois de naissance et septième enfant d’une fratrie de neuf, Mahiedine a grandi dans un petit appartement du quartier Wilson avant d’éclore aux yeux de tous un soir d’août 2008 au stade olympique de Pékin. Dans un 3000m steeple dominé de la tête et des épaules par les kenyans depuis plus de 30 ans, le français ne fait pas figure de favori, à vrai dire il est même inconnu au bataillon. Pourtant, c’est bien le gamin de Reims qui accroche les hommes de tête. Plus grand que les autres mais aussi plus rapide, dans ce peloton où les corps sont amaigris par l’effort, il finira par arracher cette première médaille d’argent olympique devant son ami et rival Ezekiel Kemboi et derrière Birman Kipruto.
Cet exploit la France aurait dû le fêter. On parle ici d’une performance majuscule ! C’est la première fois depuis 1988 qu’un athlète non kenyan gagne une médaille sur le 3000m steeple. Oui, mais non… Cette médaille la France n’en veut pas, pour beaucoup elle sonne fausse et Mahiedine traine encore aujourd’hui les soupçons globalisés de dopage autour de l’athlétisme. Cette « cabale » menée contre lui que dénoncera son entraineur Philippe Dupont dans un entretien avec Libération en 2016 touche profondément le garçon. « Je sais que ça l’a profondément marqué. Ça a certainement renforcé sa hargne en compétition, mais ça a pu conduire aussi à de mauvais comportements, parce qu’après il n’a plus confiance en personne… Il s'est senti trahi ».
Un Mahiedine à deux visages
« Parfois c’est comme s’il y avait deux Mahiedine : celui de la piste et celui de tous les jours. » C’est avec ces mots que le coureur de demi fond français s’adressait aux journalistes de Libération en 2016. Des mots qui résument assez bien ce que pouvait dire son entraineur. Car si Mahiedine est sorti galvanisé de cette victoire en 2008. Cette rage de vaincre lui permet aussi de se coller quelques casseroles… Champion d’Europe en 2010 à Barcelone puis médaillé de bronze aux championnats du monde en 2011, il en vient aux mains la même année avec Mehdi Baala, un autre demi fondeur français, lors d’un meeting à Monaco en 2011. Un an après, en 2012, alors qu’il confirme aux Jeux d’Helsinki qu’il faut compter sur lui dans les grands rendez-vous en glanant une deuxième médaille d’argent (devenant au passage le troisième athlète à monter sur deux podiums consécutifs en 2 éditions), il s’en prend aux deux mascottes des jeux en les bousculant de manière véhémente sur la ligne d’arrivée. Une attitude que certains ne s’expliquent pas mais qui montre à quel point le demie fond met à mal les organismes.
Mahiedine est un « écorché vif », « un guerrier », comme il se décrit au micro de France 2, longiligne et bagarreur d’1,90 mètre avec une force mentale et une rage incroyable qui font les grands champions. « Le mental tu l’as en toi, c’est quelque chose d’unique », c’est lui qui nous pousse à nous dépasser et qui fait de nous des O.V.N.I aux yeux de certains. C’est aussi lui qui te donne cette rage de vaincre, celle là même qui te fait retirer ton maillot en finale des championnats d’Europe de 2014 te poussant à la disqualification. Celle là encore qui te fais rechausser les pointes le lendemain sur le 1500m steeple, une distance qui n’est pas la tienne, pour écraser tout le monde et être sacré champion d’Europe.
En 2016, Mahiedine ira même s’octroyer une troisième médaille olympique, cette fois de bronze, à Rio. Cimentant sa légende en devenant le seul athlète triplement médaillé de la discipline, encore une fois dans une ambiance particulière… Il termine au pied du podium mais est sûr d’avoir vu Kemboi mordre sur la ligne et porte réclamation. Son ami est disqualifié et il glane la 3ème place. « En course, il n’y a pas d’amis, on est adversaires ».
Un champion à bout de souffle
Cette rage, il ne l’a plus aujourd’hui. A 37 ans et après plusieurs années entachées par les blessures, l’enfant terrible de l’athlétisme à besoin de souffler. « Je ne prends plus de plaisir à aller m'entraîner. j'ai senti que c'était le moment de dire stop. Si je courais, c'était pour être champion du monde, champion olympique, gagner des médailles, battre des records. Pour atteindre ces objectifs-là, si tu n'as pas l'envie, ça ne sert à rien de continuer. Elle n'était plus là et j'avais le désir de passer à autre chose, de faire autre chose de ma vie. »
Alors bon vent champion et Merci pour tout !
Palmarès :
- Médaille d’argent olympique en 2008 et 2012
- Médaille de bronze olympique en 2016
- Double médaillé de bronze mondial en 2011 et 2013
- 5 fois champion d’Europe : 4x sur 3000m steeple en 2010, 2012, 2016 et 2018 et 1x sur 1500m en 2014.
- Recordman d’Europe du 3000m steeple en 8’00’09 (record toujours d’actualité)
Par Adrien Abadie
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